Droits sociaux et économiques : un massacre imminent au-delà des tueries par balle dans des quartiers populaires

Revue de presse

21 août 2020.

À partir des tableaux comparatifs de 2017 à 2020, ce rapport du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), publié le 22 juillet 2020, met en évidence la détérioration accélérée des conditions de vie de la population, un massacre sous-jacent.

Se basant sur les principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits humains, les droits à l’alimentation, au travail et à la santé sont pris en compte, ce qui permet de comprendre à quel niveau les droits économiques et sociaux sont systématiquement violés, une atteinte grave à la dignité humaine, fondement de tout l’édifice des droits humains et de la Constitution haïtienne : 1.) Insécurité alimentaire chronique en croissance exponentielle lors des trois dernières années, actuellement près de 5 millions de personnes sont concernées, contre 1.3 million en 2017, une augmentation de plus 300% ; 2.) augmentation de plus de 150 % des prix des produits alimentaires(par exemple : au moins 70 gourdes pour une petite marmite de riz importé contre 25 gourdes en moyenne en 2017, au moins 200 gourdes pour un plat chaud, appelé couramment « ALEKEN /CHEN JANBE », contre 60 gourdes en moyenne en 2017, voir pages 17 et 19 pour une liste complète des prix) ; 3.) 70% de la population n’ont pas accès aux soins de santé ; 4.) perte considérable d’emplois, notamment entre la fin de 2018 et le premier semestre de 2020 (peyi lòck, Covid-19…), dans un contexte de chômage déjà élevé, ce qui renforce la misère sur le territoire (pp 25 à 28).

La majorité de la population meurt de faim, alors que 5 % disposent de quasiment toutes les richesses du pays, et la gouvernance de Jovenel Moïse accélère la machine de la corruption (loi du 12 mars 2014 portant prévention et  répression de la corruption, arrêtés du 30 août 2017, publié les 14 et 15 septembre 2017, numéros 25 et 26…). À titre d’exemple : plus de trente-quatre (34) millions de dollars américains ont été « dépensés » durant l’état d’urgence sanitaire (5 mois), violant les normes de passation des marchés publics. La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif vient de donner vingt-neuf (29) avis défavorables pour des contrats conclus par le MSPP durant l’urgence sanitaire à son insu (« L’état d’urgence sanitaire en Haïti, une opération de corruption, de paupérisation et  de violation des droits humains», 10 août 2020).

Les professionnels haïtiens basculent en trois ans dans la pauvreté à cause de la dévaluation accélérée de la gourde (118 gourdes pour un dollar américain) et de l’inflation (23% en moyenne), s’expliquant par un manque de vision. La valeur de leur salaire, déjà insuffisante, s’est réduite de moitié: un professeur (docteur), avec 5 ans d’expérience, gagne en moyenne 70 000 gourdes par mois, représentant aujourd’hui environ 372 USD contre 1111 USD en 2017 ; un juge à la Cour de cassation gagne 73 000 gourdes représentant 388 USD contre 1159 USD en 2017, le salaire d’un médecin spécialiste est de 38 mille gourdes, représentant 202 USD contre 603 en 2017 ; un journaliste (reporter ; journaliste à tâches multiples (rédacteur/présentateur), niveau I,gagne entre 25 et 35 mille gourdes, représentant entre 133 USD et 168 USD aujourd’hui,contre 397 et 556 USD en 2017 ; un caissier expérimenté d’une banque gagne entre 25 et 35 mille gourdes, représentant 266 et 186 USD, contre 397 et 556 USD (extrait du tableau des salaires, pages 16 à 18).

Pourtant, près de 5 milliards de gourdes ont été dépensées pour la caravane, lancée en mai 2017, et pendant laquelle le président a scandé haut et fort qu’il allait : « mete lajan nan pòch e manje nan asyèt sitwayen yo ». Ces trois dernières années, les deniers publics ont été dilapidés à travers des contrats, pour la plupart surfacturés de façon démesurée, et rejetés par la CSCCA. 

Ce rapport veut mettre sur le devant de la scène cette situation chaotique et révoltante où la majorité de la population meurt de faim et n’a pas accès aux soins de santé, au travail et la classe moyenne bascule dans la grande précarité (déclassement), une violation grave des droits humains, indivisibles et interdépendants. Il s’agit d’un handicap majeur à la construction de la démocratie et de l’État de droit, ne se résumant pas à l’organisation d’élections et à l’adoption d’une Constitution, mais ayant pour finalité la jouissance effective des droits humains et des libertés fondamentales (deuxième conférence mondiale sur les droits de l’homme).

Lire l’article