28 août 2020. Le Nouvelliste.
Monsieur le Président,
Le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) présente ses compliments à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), en raison de sa volonté, particulièrement au cours des deux dernières années, de faire son travail de contrôle des recettes et dépenses de l’État (article 200 et suivants de la Constitution), surtout à l’égard de l’opération criminelle amenant à la dilapidation et au vol du fonds PetroCaribe, évalué à plus de 4 milliards de dollars américains, et des soupçons légitimes de corruption durant la période de l’état d’urgence sanitaire, au cours duquel plus de 34 millions de dollars américains ont été dépensés, sans résultats apparent.
Ayant bouclé son travail de monitoring des actions gouvernementales durant l’état d’urgence sanitaire avec la réalisation et la publication le 10 août dernier du quatrième rapport intitulé : « L’état d’urgence sanitaire en Haïti : une opération de corruption, de paupérisation et de violation de droits humains », dont une copie vous est adressée, le CARDH a pu constater que 29 contrats, totalisant 8.844 millions de dollars américains, signés et exécutés durant cette période, ont tous reçu un avis défavorable de la Cour pour violation des normes de passation des marchés publics. En outre, un contrat de 18. 669 millions de dollars américains, conclu avec la firme chinoise Bowang Co.Ltd/ChinaXuXia, dont les fonds ont été décaissés par la Banque de la République d’Haïti (BRH), n’a jamais été préalablement soumis à l’appréciation de la Cour. Ces 30 contrats totalisent 27.514 millions de dollars.
Or, selon l’article 85 de la loi sur la préparation et l’exécution des lois de finance du 4 mai 2016, publiée dans le journal Le Moniteur le 1er février 2017 (Spécial # 5) : « Tous les projets de contrats, accords et conventions à caractères finaciers ou commercial où l’État est partie doivent faire l’objet d’une consultation de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif avant leur signature ».
S’inscrivant dans ladite loi, les arrêtés du 30 août 2017, publiés les 14 et 15 septembre 2017 (Le Moniteur # 25 et 26), stipulent : « Après la signature du projet de marché par les deux parties, l’autorité contractante le soumet à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), accompagné des dossiers d’annexes, pour avis et enregistrement dans sept jours calendaires. » De plus : « Une copie du marché signé et visé par la CSCCA est envoyée par le maître d’ouvrage à la CNMP dans 5 jours calendaires » (Le Moniteur Spécial # 25, manuel de procédures de demande de prix pour acquisition de fournitures, page 14 ).
Au-delà des avis défavorables émis par la Cour, constatant le non-respect des normes et procédures de passation des marchés publics, les 30 contrats – pour lesquels des fonds avaient déjà été décaissés – ont été conclus à son insu, ce qui constitue un acte de passation illégale de marchés publics (article 5.12), l’une des 14 infractions qualifiée de corruption selon la loi du 12 mars 2014 portant répression et prévpention de la corruption. Ces contrats ayant été conclus et executés dans l’opacité la plus totale, ceci laisse présager qu’il y aurait eu, entre autres, détournements de fonds publics, favoritisme, enrichissement illicite et surfacturation et des pots-de-vin.
Ainsi, afin de poursuivre son travail de vigile, le CARDH demande à la Cour de vérifier sur place l’exécution de ces 30 contrats, totalisant environ 27 millions de dollars americains, conformément à l’article 86 de la loi sur la préparation et l’exécution des lois de finances (op. cit.), stipulant qu’« en cas d’actes de corruption, la Cour peut procéder à des contrôles inopinés et ponctuels sur place en vue de s’assurer du bon emploi des fonds gérés par les services de l’État, les autres personnes morales de droit public ou encore celles soumises à son contrôle ».
Comptant sur la compréhension et la bonne foi de la Cour, dont le travail est essetiel à la lutte contre la corruption, au processus de la construction de l’État de droit et d’une société respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales, le CARDH vous renouvelle, monsieur le Président, l’expression de sa plus haute considération.