Tout en réaffirmant les violations systématiques de droits humains commises par l’administration Jovenel Moïse, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), l’une des institutions qui les documentent, souligne que, pour le moment, on ne peut pas parler de crimes contre l’humanité en Haïti.
Étant les crimes internationaux les plus graves qui dérangent la « conscience collective », les crimes contre l’humanité (article 7 du statut de Rome) sont des violations de droits humains. Cependant, les violations de droits humains ne sont pas forcément des crimes contre l’humanité. A quel moment la « conscience collective » est – elle dérangée ?
N’étant pas partie au Statut de Rome, Haïti n’est pas justiciable par devant la Cour pénale internationale (CPI). Si à l’avenir un gouvernement fait la déclaration mentionnée au 3ème alinéa de l’article 12, la CPI étendra sa compétence juridictionnelle sur Haïti. « Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’État ayant accepté la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX. ». Ainsi, la question pourrait avoir une dimension plus politique que juridique.
L’autre dimension politique à envisager est le fait que le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, peut demander au procureur de la Cour d’enquêter sur des situations considérées comme crimes contre l’humanité. Or, les membres permanents du Conseil de sécurité, disposant chacun d’un droit de veto (pouvoir de bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l’opinion majoritaire), est une entité politique, avec un pôle formé des pays occidentaux, et l’autre avec la Chine et la Russie.
Par exemple, entre 2011et 2015, il y a eu des situations en Syrie, assimilables à des crimes contre l’humanité. La CPI n’a pas été saisie et aucun Tribunal spécial n’a été créé.
Tout en reconnaissant, la contribution de la CPI au progrès du droit pénal international, le concept crimes contre l’humanité aurait aussi une portée subjective et politique. Le renforcement du système judiciaire haïtien et sa « dépolitisation » sont plus aptes à rétablir les victimes des massacres dans leur droit.