Le gouvernement haïtien commémore le deuxième anniversaire de l’assassinat du président Jovenel Moïse au Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH)
I. Eléments contextuels
Le 7 juillet 2021, entre 1h :30 et 2h du matin, un commando a fait irruption dans la résidence de Jovenel Moïse (58ème président d’Haïti) à Pèlerin 5, Pétion-Ville. N’ayant pas été secouru malgré de nombreux appels de détresse ( chef de la police, responsables des unités chargées de la sécurité du président et autres), le président a été torturé (œil gauche crevé, coups de machette, bras cassé…), puis assassiné d’au moins de 12 balles, pour la plupart de gros calibres. Même un agent de la garde présidentielle n’a été blessé : Unité de sécurité générale du palais national (USGPN) ; CAT-TEAM ; Unité de sécurité présidentielle (USP). Le président a été livré.
Selon la première conférence donnée par le directeur général de la Police nationale dans l’après-midi du 8 juillet 2021, il s’agissait de 26 Colombiens et d’autres agents étrangers, dont Monsieur Joseph Vincent (55 ans), ancien informateur de la Drug enfoncement administration ( DEA) ayant aidé à l’arrestation de Guy Philippe, sénateur élu de la Grand ’Anse, à Pétion-Ville, le 5 janvier 2017.
Ce jour-là, la première action de monsieur Claude Joseph, premier ministre par intérim [1], était de dire que la situation était sous contrôle et de déclarer l’État de siège[2] (ARRÊTÉ DÉCLARANT L’ÉTAT DE SIÈGE SUR TOUTE L’ÉTENDUE DU TERRITOIRE DE LA RÉPUBLIQUE POUR UNE PÉRIODE DE QUINZE (15) JOURS, 7 juillet 2021, Spécial No 37 – Mercredi 7 juillet 2021).
Selon le journal colombien Noticias Caracol , basé sur des conclusions de la Federal Bureau of Investigation (FBI), monsieur Joseph était l’un des auteurs intellectuels de l’assassinat, une information réaffirmée par le journal, mais démentie par le directeur général de la police, Léon Charles.
Pendant près de 48h, la scène du crime n’a pas été sécurisée ni contrôlée par le commissaire du gouvernement d’alors, chef de la poursuite et de la police judiciaire, aucun agent de la garde présidentielle n’a été arrêté, aucune démission n’a été donnée…

Vu l’implication des ex agents des services de renseignements américains et l’utilisation du territoire américain dans l’assassinat, des enquêteurs de la FBI ont été dépêchés quelques jours plus tard dans la résidence du président.
Le 29 juillet 2021, le Groupe de travail des Nations Unies sur la question de l’utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a écrit au gouvernement intérimaire haïtien sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Il lui a informé de la réception des informations concernant le dossier, en a exprimé ses préoccupations et a voulu s’ en informer de l’avancement.
Étant déjà dans une crise institutionnelle, accélérée par le dysfonctionnement du Parlement le 13 janvier 2020 (consultez : CARDH : 7 février 2021 Fin du mandat constitutionnel présidentiel – Version complétée, pages 11, 12 et 13 ) et de la Justice[3], l’assassinat du président Jovenel Moise a provoqué une « nouvelle » crise dans la crise.
En raison de la complexité de la question, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) a constitué un groupe d’universitaires et de techniciens pour mieux comprendre la question. A partir des informations recueillies, des enjeux géopolitiques, juridiques et économiques analysés, des commentaires et recommandations seront faits périodiquement pour le progrès du droit et de la Justice.
II. Suivre l’évolution du dossier
1. Haïti : Instruction et autres actes judiciaires
Du 9 août 2021 au 30 mai 2022, cinq juges d’instructions se sont succédé sur le dossier de l’assassinat du président Jovenel Moïse, mais aucune ordonnance n’a été rendue : i) Mathieu Chanlatte, désigné le 9 août 2021 et dessaisi le 13 août suivant pour n’avoir pas reçu les moyens sollicités du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) ; ii) Garry Orélien, désigné le 23 août 2021 et dessaisi le 21 janvier 2022 suite à une ordonnance prise le 18 janvier 2022 par le doyen Bernard Saint-Vil ne faisant pas droit à une demande de prorogation sollicitée le 7 janvier ; iii) Chavannes Étienne, désigné le 2 février 2022 et dessaisi le 8 février suivant pour des raisons de convenance personnelle ; vi) Merlan Belabre, désigné le 4 mars 2022 et dessaisi le 25 avril suivant, son mandat étant arrivé à terme.
Le 14 septembre 2021, le commissaire du gouvernement a demandé au cabinet d’instruction d’inculper le Premier ministre et a émis une interdiction de départ contre lui. Ce même jour, le commissaire a été révoqué et remplacé. Le 21 septembre suivant, la mesure d’interdiction de départ a été levée, suite à une décision du juge des référés qualifiant cette dernière d’« arbitraire et illégale ».
« Par ces motifs, le doyen faisant office de juge des référés (…) Dit que la décision de l’ex-commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Bed-Ford Claude, d’interdire l’exposant de quitter le territoire national par voie aérienne, maritime et terrestre est arbitraire et illégale ; dit que cette mesure viole les prescrits cardinaux que requiert le jus cogens ainsi que les articles 9 et 12 du Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques. Ordonne la levée immédiate de ces mesures d’interdiction de départ émise à l’encontre du requérant » (Bernard Saint-Vil, doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince faisant office de juge des référés).
Dans son intervention à l’occasion de la 76ème Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre Ariel Henry a sollicité de la communauté internationale l’entraide judiciaire pour faire avancer le dossier.
2. Justice et Congrès américains
Rodolphe Jaar, ancien informateur de la Drug Enforcement Administration (DEA) et trafiquant de drogue condamné aux USA en 2013, a été condamné à perpétuité le 2 juin 2023 par la justice américaine pour avoir donné du soutien financier et du matériels en vue de la commission de l’acte. Dix autres suspects sont incarcérés aux États-Unis et attendent leur jugement prévu pour mai 2024 : i) Arcangel Pretel Ortiz ; ii) Frederick Bergmann ; iii) Antonio Intriago ; iv) Walter Veintemilla ; v) Mario Antonio Palacios ; vi) John Joël Joseph ; vii) James Solage ; viii) Joseph Vincent ; ix) Christian Sanon ; x) Germán Rivera.
Le dossier étant un dossier d’État, sur demande du procureur adjoint américain Walter Norkin, un agent de sécurité du ministère de la Justice a été nommé pour gérer les « informations classifiées » en vertu de la loi sur les procédures d’informations classifiées (Classified Information Procedures Act). Les avocats des accusés auront accès à certaines informations qu’ils ne pourront pas partagées. D’autres resteront entre le gouvernement et le juge fédéral.
3. Nations Unies
Le 29 juillet 2021, le Groupe de travail sur la question de l’utilisation des mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a écrit au gouvernement intérimaire haïtien sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Il lui a informé de la réception des informations concernant le dossier, en a exprimé ses préoccupations et a voulu s’ en informer de l’avancement.
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III. Rapports et communiqués du CARDH
2. « Assassinat du 58ème président haïtien (Jovenel Moïse), Esquisse pour la création d’un Tribunal spécial ou d’une Chambre spéciale« , 7 octobre 2022.
3• »L’assassinat du 58ème président haïtien par des mercenaires, Le caractère transnational du crime est reconnu« , 6 septembre 2022.
4• « Assassinat du président Jovenel Moïse, l’enquête sans enquête, presqu’un an après« , 7 juin 2022.
5• « Assassinat du 58ème président haïtien, Criminalité transnationale, contraintes juridiquess… », 22 mars 2022.
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IV. Articles de la presse
Le CARDH sélectionne des articles pertinents des journaux internationaux capables d’aider l’opinion à explorer des pistes concernant l’assassinat du président Jovenel Moïse. Considérant les limites de la justice haïtienne et l’absence de centres de recherche devant travailler sur le sujet, ces travaux pourraient aussi servir de pistes à explorer.
• Miami Herald : « Une boîte de Pandore »: les États-Unis cherchent à garder secrets les liens entre le FBI et la DEA des suspects de l’assassinat de Moïse » ( A can of worms’: U.S. seeks to keep Moïse assassination suspects’ FBI, DEA ties under wraps), 28 avril 2022.
• New York Times : « Le président haïtien dressait une liste de narco-trafiquants. Ses tueurs l’ont saisie. – The New York Times (nytimes.com) », 12 décembre 2021.
Dans cet article, New York Times essaye d’établir le lien entre des cartels locaux de la drogue avec l’assassinat du président Jovenel Moïse.
•WashingtonPost : « Le Premier ministre haïtien bloque et entrave l’enquête sur l’assassinat du président« . 15 septembre 2021.
Dans cet éditorial , WashingtonPost estime que le Premier ministre haitien, Ariel Henry, entrave l’enquête judiciaire sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Cette affirmation se base fondamentalement sur la révocation du commissaire du gouvernement (équivalent du procureur de la République), Bed-Ford Claude, le 13 septembre, remplacé dans l’après-midi du mardi 14 septembre (Me. Frantz Louis Juste), et le limogeage du ministre de la Justice, Monsieur Rockfeller Vincent, remplacé par le ministre de l’Intérieur, Liszt Quitel, le 15 septembre.
• CNN : « Exclusive: Leaked documents reveal death threats and roadblocks in Haiti assassination investigation« , 27 juillet 2021.
Cet article souligne que l’enquête sur l’assassinat du président Moïse est dans l’impasse : menaces de mort contre des officiers de la police judiciaire, non accès à des suspect et témoins clefs, aux scènes de crime, aux preuves, à des documents… ; omission d’informations clés dans les rapports des enquêteurs…
Reportages et vidéos
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Rapports et commentaires du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme
8. « Assassinat du 58ème président haïtien (Jovenel Moïse), Esquisse pour la création d’un Tribunal spécial ou d’une Chambre spéciale« , 7 octobre 2022.
9. »L’assassinat du 58ème président haïtien par des mercenaires, Le caractère transnational du crime est reconnu« , 6 septembre 2022.
10. « Enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse… Lettre à Bernard Saint-Vil, doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince« , 24 août 2022.
11. « Assassinat du président Jovenel Moïse, l’enquête sans enquête, presqu’un an après« , 7 juin 2022.
13. » Assassinat du 58ème président haïtien, Criminalité transnationale, contraintes juridiques… » , 22 mars 2022.
Articles de la presse
- Miami Herald : « Une boîte de Pandore »: les États-Unis cherchent à garder secrets les liens entre le FBI et la DEA des suspects de l’assassinat de Moïse ( A can of worms’: U.S. seeks to keep Moïse assassination suspects’ FBI, DEA ties under wraps) 28 avril 2022.
- « Le président haïtien dressait une liste de narco-trafiquants. Ses tueurs l’ont saisie », 12 decembre. Le président haïtien dressait une liste de narco-trafiquants. Ses tueurs l’ont saisie. – The New York Times (nytimes.com
- Miami Herald : » Un suspect clé arrêté dans l’assassinat du président haïtien. Le chef de la police nationale démissionne », 21 octobre. https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article255177177.html
- WashingtonPost : « Le Premier ministre haïtien bloque et entrave l’enquête sur l’assassinat du président » , 15 septembre 2021 (15 h 03 HAE) https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/09/15/haitis-prime-minister-is-stonewalling-obstructing-investigation-into-presidents-assassination/
- New York Times : « He Guarded Haiti’s Slain President. And He Was a Suspect in a Drug Inquiry Officials are examining whether President Jovenel Moïse’s killing was tied to the drug trade. The man in charge of his safety was a suspect in a major trafficking case, they say « , Aug. 21, 2021.
He Guarded Haiti’s Slain President. And He Was a Suspect in a Drug Inquiry. – The New York Times (nytimes.com) - CNN : « Exclusive: Leaked documents reveal death threats and roadblocks in Haiti assassination investigation »
Haiti assassination investigation muddied by death threats and roadblocks, internal documents reveal – CNN - Reuteurs- Americas : « Haiti since the assassination of President Moise », 14 aout 2021
Haiti since the assassination of President Moise | Reuters - New York Times : » Ils me croyaient morte’: le meurtre du président haïtien raconté par sa veuve. Pendant que les assassins de son mari fouillaient sa chambre, Martine Moïse gisait dans son sang, blessée par les tirs de balles. Elle veut maintenant que le FBI identifie le cerveau de l’attaque », 6 août 2021.
Martine Moïse a vécu en direct l’assassinat de son mari, le président d’Haïti – The New York Times (nytimes.com) - Miami Herald : » Haiti’s president frantically called for help before killing«
My life is in danger. Come save my life.’ Haitian president’s desperate final pleas. By Jacqueline Charles. Updated July 19, 2021 02:04 PM.
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