Résumé
Le massacre du 58ème président haïtien par des mercenaires, retraités colombiens, anciens informateurs de la Drug enfoncement administration (DEA), hauts gradés de la police haïtienne… doit être placé dans son contexte et élevé à la dimension de l’acte.
Qui a assassiné le président et pourquoi ? Cette double interrogation, fil conducteur de l’étude, porte le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) à tenter d’introduire quelques pistes (non exhaustives) à explorer par toute enquête judiciaire et politique et approche sur la problématique.
Responsabilité non établie des autorités. Il fraudait établir la responsabilité des autorités étatiques et politiques dont le Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) qui a des obligations clairement définies par la loi mais surtout des fonds et des infrastructures de renseignements : primature, ministères de la Justice et de l’intérieur, direction de la police…
Nature du crime et territoires concernés. Au sens de la « Convention des Nations unies, sur la criminalité transnationale et protocoles s’y rapportant », c’est un crime transnational. Celui-ci a été planifié sur plusieurs territoires et perpétré par un « groupe criminel organisé ». L’hypothèse d’un acte d’agression (résolution 3314 (XXIX) des Nations unies, voire d’un crime de guerre devrait aussi être explorée au sens du Statut de Rome.
Juridictions compétentes. La justice de plusieurs pays est compétente pour enquêter sur le meurtre du président haïtien, particulièrement les États-Unis d’Amérique, la Colombie, la République dominicaine et Haïti.
Justice et politique américaines. Deux personnes impliquées dans le meurtre sont déjà inculpées par la justice américaine : Mario Antonio Palacios et Rodolphe Jaar, arrêtés à la Jamaïque en octobre 2021et en République dominicaine le 7 janvier 2022. La « Loi sur le développement, la responsabilité et la transparence institutionnelle en Haïti » (the Consolidated Appropriations Act, 2022), signée le 15 mars 2022 par le président Biden, exige du secrétaire d’État un rapport détaillé à soumettre au Congrès sur l’avancement de l’enquête du FBI et de la DEA au plus tard 90 jours après sa promulgation et un examen de la tentative du présumé coup d’État contre le président de Jovenel Moïse le 7 février 2021.
Pistes économiques. Le président Jovenel Moïse a mené une bataille frontale contre des familles traditionnelles ayant le monopole des domaines importants et stratégiques dont l’énergie. A travers le Bureau de gestion des programmes d’aide au développement (BMPAD), il a pris le controle du secteur pétrolier au détriment de ceux qui l’avaient « placé » au pouvoir (du groupe Ruby à West Indies Petroleum). L’économie serait une piste à ne pas négliger. Quid de l’économie souterraine ?
Criminalité transnationale. L’enquête devrait explorer la criminalité transnationale dans laquelle son entourage est impliqué : trafic de la drogue, d’armes et autres, grande corruption, blanchiment…En outre, le président aurait été sur le point de livrer des drogues dealers de sa famille politique et économique à la justice américaine.
Piste politique. Jovenel Moïse devrait absolument remettre le pouvoir au PHTK. Cependant, il a rompu ses liens avec le parti. La trahison n’est pas seulement économique, elle est aussi politique.
Géopolitique. Comment ces mercenaires pouvaient-ils planifier, pendant des mois, sur les territoires américain, colombien, dominicain et haïtien, l’assassinat du président et parvenir à leur but à l’insu des services de renseignements américains ? Y-a-t-il des failles dans le système ?
Justice haïtienne et perspectives. Malheureusement, la justice haïtienne, dysfonctionnelle de fait et de droit, ne peut pas réaliser le procès du massacre du 58ème président haïtien. Le droit n’est pas adapté à la nature du crime. Les contraintes sont procédurales, politiques, environnementales…Une réforme devra être envisagée et l’institution d’un tribunal spécial (tribunal hybride par exemple) est à explorer si l’on veut réellement réaliser ce procès, sinon ce sera la rhétorique : désistement en cassade des juges pour raison de sécurité et faute de moyens, délai d’instruction insuffisant, dénonciations dans les médias, l’enquête se poursuit…
Étude accessible sur demande (74 pages)