Résumé. Consacrés de manière tacite par la Charte des Nations Unies (chapitre VII et règlements du Conseil de Sécurité) et la législation de nombreux États, dont les États-Unis, première puissance mondiale post seconde guerre mondiale, les régimes de sanctions constituent avant tout une « arme » politico-diplomatique des relations internationales, utilisée depuis les années 50 : Corée du Nord (sanctions adoptées par les États-Unis), Iraq (Résolution 661 du 6 août 1990 du Conseil de sécurité) …
Les sanctions adoptées par le Canada (19 personnalités publiques, politiques et du monde des affaires), les États-Unis (une cinquantaine) et le Conseil de Sécurité (Résolution 2653/2022) en vue de la « cessation immédiate de la violence, des activités criminelles et des atteintes aux droits humains qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région » et de porter les acteurs politiques à engager de réelles négociations pour sortir Haïti de l’impasse actuelle seraient un narratif ou encore un instrument classique auquel les acteurs haïtiens sont habitués.
Suite au coup d’État du 30 septembre 1991, une atteinte à l’ordre démocratique causant de graves souffrances à la population, l’Organisation des États américains (OEA), suivie par la Communauté européenne, avait mis en place un embargo sur Haïti. Le 3 juin 1993, le Conseil de Sécurité a adopté la Résolution 841 (1993) mettant Haïti sous embargo,renouvelé par la Résolution 861 (1993). En outre, de nouvelles sanctions ont été introduites le 7 mai 1994. La famille Bigio faisait partie des sanctionnés de l’administration américaine. L’objectif fondamental poursuivi ayant été atteint, collaborer pour le retour d’Aristide, les sanctions ont été levées.
Arrivé en deuxième position de la présidentielle de 2010, selon les résultats partiels officiels, Jude Célestin a été lâché par le feu Président René Préval et l’équipe de la Plateforme politique UNITE, en raison de l’annonce des sanctions par le gouvernement américain, ce qui a favorisé l’accession de Michel Martelly (troisième) au pouvoir, gagnant le second tour au dépend de madame Mirlande Hyppolyte Manigat.
Il est important pour les acteurs et la société haïtienne de comprendre les mécanismes de sanctions : typologie (sanctions économiques, individuelles…), différence entre sanctions bilatérales, engageant seulement l’État qui les adopte, et multilatérales devant être suivies par tous les États au regard de l’article 48 de la Charte des Nations Unies, leurs conséquences respectives…D’autant que les sanctions multilatérales comportent de nombreuses particularités.
Au-delà de l’objectif principal poursuivi par les États-Unis, le Canada et le Conseil de sécurité, « un changement de comportements » et non une condamnation, les sanctions doivent viser à renforcer les institutions démocratiques et devraient s’aligner le mieux possible sur les principes de l’État de droit.
Si par le passé les objectifs poursuivis ont été atteints (retour du président Aristide, évincement de Jude Célestin de la présidentielle…), les institutions, en revanche, n’ont pas été renforcées. Elles ont été vassalisées, politisées, gangrenées par la corruption… Et c’est fondamentalement la raison qui explique la catastrophe à laquelle Haïti est confrontée, malgré que des dizaines de millions de dollars de projets auraient été dépensés depuis le retour d’Aristide le 15 octobre 1994.
La plupart des fonds gelés ont été volés de la population enfoncée davantage dans la misère abjecte. Il faut qu’ils soient restitués au trésor à partir d’un mécanisme clairement établi, sinon les sanctions ne seront pas profitables à la population.
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