L’« Atelier de réflexion sur le processus de certification des magistrats en Haïti » a été organisé par l’Office de la protection du citoyen ( OPC) et le Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) autour de deux panels et coordonné par Me Patrick Pelicier.
Composé de Me Patrick Laurent, de Me Liez Edouard et de Me Léon Saint-Louis, le premier panel a traité du cadre normatif et opérationnel de la certification, suivi de discussions articulées principalement sur les questions suivantes : Quel est le cadre normatif qui gouverne le processus de certification des magistrats ? Quelles sont les attributions des organes impliqués dans le processus de certification des magistrats ? Quel organe est habilité à certifier les magistrats ? Quelles sont les attributions des organes impliqués dans le processus de certification des magistrats ? L’éthique professionnelle des magistrats ? Ce panel a été composé de Me Patrick Laurent3 , Me Liez Edouard4 et de Me Léon Saint-Louis.
Compose de Me Dilia Lemaire, de Me Carlos Hercule, de Me Gédéon Jean et de Me Joseph Léon Saint Louis, le second panel a traité du processus de certification des magistrats de l’ordre judiciaire et de l’exercice du droit à un recours effectif. L’objectif de ce panel était d’apporter des éclairages sur la possibilité d’exercer ou non des voies de recours dans le cadre d’une procédure de certification des magistrats, avec une attention particulière aux questions suivantes : v Peut-on évoquer l’exercice d’une voie de recours dans le cadre d’une procédure de certification des magistrats ? v Quels seraient la nature et le fondement de ces recours ? v Auprès de quel organe et suivant quelle procédure ces recours peuvent-ils être exercés ? Ce panel a été composé de Me Dilia Lemaire5 , Me Carlos Hercule6, Me Gédéon Jean7 , et de Me Joseph Léon Saint Louis.
Consultez :
Présentation de Gédéon Jean, directeur exécutif du CARDH
Je vais vous présenter la conclusion du rapport du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), publié le 18 janvier 2023, soit deux (2) jours après la transmission, par le CSPJ, des « résultats » des travaux de certification des magistrats au ministère de la Justice et de la sécurité publique.
Je rappelle que ce rapport a été publié sous le titre « Processus de certification des juges : un mécanisme important, mais à corriger et à règlementer ».
Dans ce document, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) avait plaidé pour que les magistrats qui se sentent léser par le résultat du veting puissent exercer un recours, et ce conformément aux principes démocratiques et de l’État de droit. Un plaidoyer a ensuite été fait dans l’opinion publique et dans des espaces diplomatiques et internationaux pour expliquer cette démarche.
La position exprimée, le 29 juin 2023, par l’Expert indépendant pour les droits de l’homme en Haïti, monsieur William O’Neill, marque une étape très importante dans cette dynamique. L’expert a appelé, je cite, « le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et les inspections judiciaires à redoubler d’efforts pour certifier les magistrats et assurer que tout manquement sera sanctionné, en conformité avec les standards internationaux en matière de droits humains, notamment le droit de recours pour les magistrats non certifiés ».
Ces échanges réalisés, ce matin, par l’Office de la protection du citoyen (OPC), avec cette panoplie d’experts en droit qui se passent de présentation, permettront d’avoir un argumentaire académique intéressant pour éclairer la lanterne du CSPJ et de la société en général sur cette question.
Au paragraphe 30 de ce rapport du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), il écrit « Le CARDH recommande au CSPJ de revoir certains dossiers pour lesquels il y aurait eu des erreurs, ou manquements, dans leur traitement afin de voir s’il y a lieu de maintenir certains magistrats dans la liste de ceux non-certifiés. Cela crédibilisera le processus dans une perspective de transparence et de respect des normes démocratiques et de l’État de droit. »
Pour soutenir cette recommandation, ce rapport mentionne deux éléments importants qui peuvent être considérés comme un précédent.
Élément 1. : Affaire Louica Machelly, Juge de Paix de la Croix- des-Bouquets
Le 26 octobre 2020, une correspondance (CSPJ-BP/10-2020/79) du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), signée par son président, René Sylvestre, a été adressée à Louica Machelly, suppléant juge de paix de la Commune de Croix-des-Bouquets. Sa teneur est la suivante : « Magistrat, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ( CSPJ) vous adresse ses civilités et, par la présente, a le regret de vous informer que, suite au rapport de certification qui vous concerne, vous êtes déclaré non certifié pour les raisons suivantes : Libération d’un prévenu accusé de viol sur mineur ; Abandon de poste répété ; Non-respect du tarif judiciaire ; Déguerpissement de citoyens sans jugement ; Décrié d’avoir violé une mineure ; Absence d’intégrité morale. »
La lettre conclut que : « En conséquence, il a été décidé, conformément aux dispositions de l’Art 69 de la Loi du 27 novembre 2007 portant statut de la Magistrature, de vous exclure de la Magistrature haïtienne et vous n’êtes plus habilité à exercer la fonction de Suppléant de Juge au Tribunal de Paix de la Croix-des-Bouquets. »
La publication des résultats de certification a fait boule de neige dans l’opinion, vu le niveau élevé avéré de corruption auquel le système judiciaire est confronté. Mécontent, le juge Machelly est intervenu sur les ondes de radio caraïbes FM et a dénoncé les abus qu’il avait subis du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ).
Le 3 novembre 2020, il a adressé une correspondance au Conseil développant ses moyens de défense. Dans ladite lettre, il est écrit : « (…) Honorables Président, Vice-Président et Membres du Conseil, j’ai l’avantage de solliciter, d’une part, une rencontre avec le Conseil et, d’autre part, une reconsidération de mon dossier, ayant été injustement mis sur la liste des fonctionnaires à écarter de la Magistrature haïtienne pour des fautes que je n’ai pas commises. Je voudrais porter à votre attention que je réfute en bloc et d’un revers de main l’ensemble des chefs d’accusation retenus contre moi dans le cadre du processus de certification des Magistrats de l’ordre judiciaire. »
Le 5 février 2021, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a adressé une nouvelle correspondance (CSPJ/02-2021) au juge Machelly dont la teneur est la suivante : « Monsieur, le secrétariat technique du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire tient à vous informer, par la présente et en réponse à votre correspondance reçue le 3 novembre 2020, que le Conseil a effectué une nouvelle analyse de votre dossier de certification. Cette analyse a permis d’établir qu’il n’avait pas lieu, pour votre cas, de mentionner dans la dernière liste des magistrats non certifies « Décrié d’avoir violé une mineure » (…). Dans sa Résolution # 6, du 12 novembre 2020, ledit Conseil avait ordonné de faire une rectification qui est la suivante : « Décrié pour avoir outrepassé ses droits en procédant á la libération contestée de présumés auteurs de viol sur mineure. »
Élément II : Audiences accordées aux associations des magistrats
Suite aux remarques publiques de l’Association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH) concernant le processus de certification initié en février 2018 et terminé à la fin de l’année 2020, le CSPJ a tenu une séance spéciale avec l’ANAMAH sur des dossiers pour lesquels il semble qu’il y avait des erreurs. Une autre séance s’est tenue dans les locaux de la Cour de cassation sur la publication des résultats de la certification le 18 janvier 2023.
Recommandations d’ordre structurel
Au plan structurel, le CARDH recommande d’engager une étude technique et scientifique pour modifier la loi du 13 novembre 2007 afin de : i) harmoniser la loi du 13 novembre 2007 avec la Constitution, la norme suprême et corriger ses lacunes par rapport aux principes de droit administratif et des principes généraux du droit ; ii) avoir un véritable organe d’administration, de contrôle et de discipline du pouvoir judiciaire, avec les compétences académiques et techniques nécessaires, pour coiffer tout le personnel judiciaire (juges, commissaires du gouvernement, greffiers, huissiers…) ; iii) assurer la protection et la carrière des magistrats et du personnel judiciaire conformément aux principes démocratiques et de l’État de droit ; iv) réorganiser le fonctionnement des cours et tribunaux afin d’avoir un contrôle régulier sur les travaux des magistrats et du personnel judicaire.
Ce rapport dans son intégralité est disponible sur le site du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) : cardh.org