Nommé envoyé spécial pour Haïti, le 22 juillet, Daniel Foote y a effectué plusieurs visites et a été constamment en contact avec les acteurs en vue de faciliter une solution haïtienne à la crise. Lors de sa première visite, le 24 juillet, il a rencontré le directeur exécutif du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme, Gédéon Jean, membre de N ap #Marche Pou la Vi (marchons pour la vie), structure de la société civile s’engageant comme facilitatrice depuis mars 2021 dans la recherche d’éléments de réponse à la crise.
Refusant de s’associer à » la décision inhumaine et contre-productive de son pays d’expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d’immigrants illégaux vers Haïti » et estimant que ses recommandations était « ignorées et rejetées », il a remis sa démission le 22 septembre 2021.
22 septembre 2021
M. Le Secrétaire Blinken,
C’est avec une profonde déception, et en présentant mes excuses à ceux qui recherchent de réels et profonds changements, que je démissionne de mon poste d’Envoyé spécial pour Haïti, avec effet immédiat. Je refuse d’être associé à la décision inhumaine et contre-productive, prise par les États-Unis, d’expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d’immigrants illégaux vers Haïti, un pays où les diplomates américains sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger que représentent les gangs armés qui contrôlent la vie quotidienne. Notre politique envers Haïti reste profondément biaisée et mes recommandations ont été ignorées et rejetées, lorsqu’elles n’ont pas tout simplement été modifiées pour projeter un récit différent du mien.
Le peuple haïtien, embourbé dans la pauvreté, pris en otage par la terreur, les enlèvements, les vols et les massacres des gangs armés et souffrant sous un gouvernement corrompu et lui-même allié aux gangs, ne peut tout simplement pas supporter l’injection forcée de milliers de migrants, de retour et manquant de nourriture, d’abri et d’argent, sans que cela ne conduise à une nouvelle tragédie humaine par ailleurs évitable. L’État effondré est incapable de fournir la sécurité ou les services de base, et d’avantage de rapatriés ne fera qu’aggraver le désespoir et la criminalité. L’augmentation de la migration à nos frontières ne fera que croître à mesure que nous ajouterons à la misère déjà inacceptable d’Haïti.
Les Haïtiens ont besoin d’une aide immédiate pour rétablir la capacité du gouvernement à neutraliser les gangs et rétablir l’ordre par le biais de la police nationale. Ils ont besoin d’un véritable accord entre la société et les acteurs politiques, avec un soutien international, pour tracer une voie opportune vers la sélection démocratique de leur prochain président et de leur parlement. Ils ont besoin d’aide humanitaire, d’argent pour livrer les vaccins COVID et bien d’autres choses.
Mais ce que nos amis Haïtiens veulent vraiment, et ce dont ils ont besoin, c’est l’opportunité de tracer leur propre voie, sans que l’international ne joue au marionnettiste en privilégiant des candidats, mais avec un véritable soutien pour cette voie. Je ne crois pas qu’Haïti puisse jouir de la stabilité tant que ses citoyens n’auront pas la dignité de vraiment choisir leurs propres dirigeants de manière juste et acceptable.
La semaine dernière, les États-Unis et d’autres ambassades à Port-au-Prince ont publié une nouvelle déclaration publique de soutien au Premier ministre de facto non élu, le Dr. Ariel Henry, en tant que leader par intérim d’Haïti, et ont continué à préférer son accord politique à un autre accord plus large et antérieur piloté par la société civile. L’arrogance qui nous fait croire que nous devrions choisir le gagnant – encore une fois – est saisissant. Les interventions politiques internationales en Haïti ont constamment produit des résultats catastrophiques. Ajouter aux malheurs d’Haïti entrainera des conséquences désastreuses non seulement dans ce pays, mais également aux États-Unis et chez nos voisins de l’hémisphère.
Sincèrement,
Daniel Foote